Interview de Priscilla Horviller
Bande dessinée et visibilité des femmes dans l’art, c’est le sujet que nous avons exploré pour vous en ce début d’année avec l’illustratrice et dessinatrice lyonnaise Priscilla Horviller !
Priscilla Horviller nous accueille dans un appartement chaleureux des quais de Saône, décoré avec soin et tapissé de nombreux dessins. On se sent tout de suite immergé dans l’univers de l’artiste et Priscilla nous entraîne de sa voie enveloppante vers son histoire et son rapport à l’art.
Diplômée d’arts appliqués à Lyon, Priscilla a mis plusieurs années avant de s’autoriser à aller vers la bande dessinée. Animatrice auprès d’enfants dans sa jeunesse, attachée de communication visuelle puis formatrice dans le milieu de l’éducation populaire, Priscilla s'est lancée « sur le tard » dans la bande dessinée. Il faut dire que soumettre son travail au regard des autres est souvent une épreuve pour toute personne sensible et demande parfois un long cheminement intérieur.
Ce choix audacieux a été récompensé par la publication de son premier roman graphique, "La baronne du jazz" en 2020, scénarisé par Stéphane Tamaillon. Publié aux Éditions Steinkis, ce livre retrace l’histoire de Pannonica de Koenigswarter, issue de la grande famille Rothschild. Très connue dans le milieu du jazz, cette femme de diplomate et mère de 6 enfants se détournera des conventions de son milieu d’origine pour devenir mécène de jazzmen new-yorkais tel que Thelonious Monk.
Tout au long des 150 pages du roman, Priscilla Horviller emploi son talent de dessinatrice pour brosser le portrait de cette femme forte, en avance sur son temps dans une Amérique ségrégationniste et patriarcale. Au fil des pages, on ne peut s’empêcher de voir une certaine ressemblance entre ces deux femmes qui ont d’ailleurs une passion commune : le jazz !
La place des femmes dans la bande dessinée peut-être notamment abordée par la façon dont les artistes créent des personnages féminins se démarquant des stéréotypes (pin-up, femme fatale, mégère, etc.).
Au départ absents des bandes dessinées dans les années 50 (celles-ci étaient faites par des hommes pour des hommes), les personnages féminins vont se faire cahin-caha une place dans la BD, suivant les évolutions dans la prise en compte des droits des femmes en France et dans le monde. Souvent stéréotypés, ils étaient la plupart du temps représentés de façon érotisée, plaçant ainsi la capacité d'une femme à éveiller le désir masculin au-dessus de toute autre qualité.
Il fallut attendre plusieurs décennies (dont les rares premiers exemples peuvent se trouver dans les années 70 avec des personnages comme Adèle Blanc Sec de Tardy) pour que les héroïnes féminines imposent leur statut autrement que par leur corps : à travers leur personnalité, leur histoire et leurs ambitions.
L'avènement d'une nouvelle génération de femmes créatrices de bandes dessinées1 modifie plus en profondeur le rapport entre les sexes dans la BD et confirme l'importance de la place prise par les femmes dans le 9ème art.
Les personnages féminins sont désormais dotés de personnalités authentiques qui s’inspirent des évolutions du rôle des femmes dans la société. Ces évolutions rejaillissent aussi de façon bénéfique sur les hommes qui peuvent maintenant exprimer une masculinité plus sensible sans en être inquiétés.
Ainsi que le souligne Marie-Christine Lipani Vaissade2, les auteures « se distinguent en particulier dans un genre nouveau : l’autobiographie, une littérature de la mise en scène de soi, de l’aveu. Cette littérature de l’intime, produite par des femmes, aborde inévitablement les questions liées à la condition féminine ».
Nous pourrions ajouter que nombre d’autrices contemporaines, à l’instar de Priscilla Horviller, s’emparent de biographies de femmes que l’histoire à rendues invisibles pour en faire de magnifiques romans graphiques dont la vocation est double : porter à la connaissance de tous l'existence de ces femmes et ce qu'elles ont apporté à la société, et offrir de nouveaux modèles aux jeunes femmes d'aujourd'hui.
L’espace de travail de Priscilla Horviller est orné de très beaux portraits de femmes, certaines connues, d’autres non, qui ont marqué l’histoire chacune à leur manière. Et quel endroit plus beau que l'art et la bande dessinée pour mettre en valeur ces femmes libres ?
1Parmi celles-ci, Claire Brétecher, Julie Doucet, Florence Cestac, Annie Gossinguer, Marjane Satrapi, Chantal Montellier, Pénélope Bagieu, Catherine Meurisse, Marion Montaigne, Léonie Bischoff, Chloé Cruchaudet, Maurane Mazars, et beaucoup d'autres qui ne peuvent être citées ici.
2 Marie-Christine Lipani Vaissade, La révolte des personnages féminins de la bande dessinée francophone - Cartographie d'une émancipation de fraîche date, Dans Le Temps des medias 2009/1 (n° 12)2009/1 (n° 12), Éditions Nouveau Monde, pages 152 à 162.
Nous vous laissons découvrir l’interview en suivant le lien ci-dessous.
Priscilla Horviller : bibliographie
La baronne du Jazz, Tamaillon, Horviller, Steinkis, 2020
Les enfants d'abord, Tamaillon, Horviller, Steinkis, 2022
Le blog de cocotte : https://cocottepriscilla.wordpress.com/2023/12/
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